L’article suivant est traduit de Spartakist (n° 224, printemps 2022), le journal du Spartakist-Arbeiterpartei Deutschlands, section allemande de la LCI.

La gauche réformiste est dans une crise profonde. Avec le déclenchement de la guerre en Ukraine, la bourgeoisie allemande s’est engagée à fond dans la campagne de guerre de l’OTAN contre la Russie. L’envoi d’aide militaire à l’Ukraine et l’accroissement massif du budget de la Bundeswehr (l’armée allemande) représentent un important changement de politique pour l’Allemagne. Die Linke (La Gauche), le Parti communiste allemand (DKP), l’Organisation communiste (KO) et les groupes pseudo-marxistes tels que l’Organisation révolutionnaire internationaliste (RIO, associée à Révolution permanente en France) et le Parti marxiste-léniniste d’Allemagne (MLPD) sont en état de choc, pris au dépourvu par le brusque décalage entre leur pacifisme traditionnel et la ligne du gouvernement. Les lèche-bottes de l’OTAN Gregor Gysi, Bodo Ramelow, Caren Lay et Cie (membres de la direction de Die Linke) ont immédiatement attaqué quiconque ne rentrait pas dans le rang. Ceux qui veulent encore s’accrocher au vieux programme de Die Linke pour la « dissolution de l’OTAN », comme les partisans de Sahra Wagenknecht, ont maintenant le cul entre deux chaises. D’un côté, ils condamnent « la guerre d’agression de la Russie en violation du droit international » et veulent se placer du côté du gouvernement ukrainien, tout comme la coalition au pouvoir Parti social-démocrate (SPD)/Verts/Parti libéral démocrate (FPD). De l’autre côté, ils ne veulent pas simplement comme ça jeter leur pacifisme par-dessus bord.

La crise des réformistes a une raison simple : pendant des décennies leurs positions « contre le réarmement » et « contre le déploiement à l’étranger de la Bundeswehr » étaient compatibles avec les objectifs de l’impérialisme allemand. À une époque où la bourgeoisie ne faisait pas d’investissements notables dans sa Bundeswehr, les appels au « désarmement » étaient non seulement complètement inoffensifs pour la bourgeoisie impérialiste, mais ils servaient aussi de couverture pacifiste à son pillage économique de l’Europe. La politique « pacifique » de l’impérialisme allemand des trente dernières années se concentrait sur l’exploitation et l’asservissement des pays européens dépendants, de Lisbonne à Athènes en passant par Riga, grâce à l’Union européenne (UE) et à l’euro, afin de développer ainsi sa domination économique et politique en Europe sous l’égide de l’impérialisme américain. L’UE, en tant qu’appendice de l’OTAN et instrument de l’impérialisme allemand, a coopéré étroitement avec l’impérialisme américain pour asservir les masses ouvrières ukrainiennes et provoquer l’invasion de la Russie.

Mais voilà que la bourgeoisie a mis fin brusquement à la relation intime de confiance avec les réformistes. En proclamant un « changement d’époque », la bourgeoisie allemande utilise tous les moyens pour essayer d’éradiquer toute critique de l’OTAN, aussi inoffensive qu’elle soit, afin d’imposer sa ligne belliciste. Sous cette pression se dessine une ligne de classe grossière et déformée entre ceux qui embrassent une orientation ouvertement pro-impérialiste et pro-OTAN, et ceux qui refusent de laisser tomber sur-le-champ leur pacifisme traditionnel. Ces derniers ont l’air de chiens battus et n’ont aucune réponse. Nous avons une réponse : Chassez de la gauche les partisans de l’UE/OTAN !

Ceux qui soutiennent ouvertement les instruments d’oppression et d’exploitation des impérialistes n’ont rien à faire dans le mouvement ouvrier. Les jeunes et les travailleurs qui veulent vraiment lutter contre l’impérialisme doivent mener à bien cet assainissement du mouvement ouvrier, un combat qui requiert un programme révolutionnaire. Il ne peut y avoir de paix durable sans le renversement de l’impérialisme par la révolution ouvrière. La lutte pour expulser de la gauche les laquais de l’UE et de l’OTAN nous permettra, à nous les marxistes, de montrer plus facilement aux travailleurs et aux jeunes que ce ne sont pas les fanatiques pro-OTAN qui constituent le véritable obstacle à la lutte contre l’impérialisme, mais le programme bourgeois pacifiste des Wagenknecht, DKP et Cie. Leur programme conduit nécessairement à la capitulation devant les défenseurs de l’UE/OTAN. Ils colportent ainsi le mensonge qu’on pourrait soutenir les porteurs de drapeaux bleu-et-jaune tout en s’opposant aux livraisons d’armes à l’Ukraine. Mais il n’y a pas de voie médiane entre le soutien à l’impérialisme via l’OTAN et l’UE et le programme de la révolution socialiste.

Le pacifisme désarme les travailleurs, pas la bourgeoisie. Nous avons une solution révolutionnaire. Comme nous l’écrivions dans notre supplément à Spartacist (voir page 3) : « Il n’y a qu’une seule issue progressiste à la guerre entre l’Ukraine et la Russie : transformer cette guerre entre deux classes capitalistes en guerre civile où les travailleurs les renverseront toutes les deux. Nous en appelons aux soldats et aux ouvriers d’Ukraine et de Russie : Fraternisez ! Retournez les fusils contre vos exploiteurs ! » Ici en Allemagne, ce programme doit être lié à la lutte pour la révolution ouvrière contre l’impérialisme allemand.

Léninisme contre pacifisme

Le prolétariat a besoin d’un mouvement révolutionnaire contre la guerre et l’impérialisme. Il faut pour cela, comme l’enseignait l’Internationale communiste de Lénine et Trotsky, « démontrer systématiquement aux travailleurs que, sans le renversement révolutionnaire du capitalisme, nul tribunal arbitral international, nul débat sur la réduction des armements, nulle réorganisation “démocratique” de la Ligue des Nations ne peuvent préserver l’humanité des guerres impérialistes » (« Conditions d’admission des Partis dans l’Internationale Communiste », 1920).

Illusions dans l’impérialisme pacifique

À la place, Wagenknecht promeut au sein de la classe ouvrière, en guise de programme contre la guerre, la ligne de Die Linke pour la « dissolution de l’OTAN ». Elle est, avec le DKP, pour un « système de sécurité collective » avec la Russie, ce qu’exprime aussi le DKP avec ses slogans de « Paix avec la Russie ! » ou « Allemagne hors de l’OTAN ! » Il va de soi que les révolutionnaires s’opposent à l’OTAN, mais le programme de Wagenknecht et du DKP veut faire croire aux travailleurs que l’impérialisme allemand serait « plus pacifique » si, au lieu de l’alliance militaire de l’OTAN dominée par les États-Unis, il faisait partie d’une autre alliance qui inclurait la Russie. Ce programme anti-américain et nationaliste n’est rien d’autre qu’un appel à un changement d’orientation stratégique pour l’impérialisme allemand.

Toute politique étrangère de la bourgeoisie allemande, quelle qu’elle soit, ne peut avoir qu’un seul objectif : promouvoir ses intérêts de classe, c’est-à-dire l’exploitation de la classe ouvrière et l’asservissement d’autres nations. Lénine insistait, dans L’impérialisme, stade suprême du capitalisme (1916), que « les alliances pacifiques préparent les guerres et, à leur tour, naissent de la guerre ; elles se conditionnent les unes les autres, engendrant des alternatives de lutte pacifique et de lutte non pacifique sur une seule et même base, celle des liens et des rapports impérialistes de l’économie mondiale et de la politique mondiale ». Une alliance entre l’impérialisme allemand et la Russie serait réactionnaire, tout comme l’alliance transatlantique actuelle.

Si la vision de Wagenknecht et du DKP d’une alliance avec la Russie n’est qu’une lueur lointaine dans un horizon incertain, la plupart de la gauche capitule devant l’alliance soi-disant « pacifique » actuelle à travers laquelle la bourgeoisie allemande impose ses intérêts : l’UE. Qui veut lutter contre l’impérialisme doit lier l’opposition à l’OTAN à l’opposition à l’UE. Au contraire de cela, les principaux slogans sur la guerre en Ukraine de nombreux groupes réformistes se dirigent contre l’OTAN mais pas contre l’UE. Ainsi, Marx21, RIO ou le DKP entretiennent l’illusion que le pillage économique « pacifique » par le capital financier allemand dans le cadre de l’UE est « progressiste », contrairement à l’alliance « militariste » de l’OTAN.

Bien sûr, RIO, le DKP et d’autres « critiques de gauche » à l’intérieur de Die Linke insistent régulièrement sur leur « opposition » à l’UE. Le DKP la caractérise d’« instrument de l’impérialisme allemand », tandis que RIO critique son expansion vers l’Est ; elle est « néolibérale » pour Wagenknecht, qui prône un changement d’alliance pour l’impérialisme allemand. Ce qu’ils ont tous en commun, c’est leur rejet de l’UE en raison de sa politique réactionnaire, mais pas en raison d’une opposition de principe à l’impérialisme allemand et à toutes les alliances impérialistes. Leur critique de l’impérialisme est simplement réformiste. Pour nous communistes, au contraire, l’opposition révolutionnaire à l’UE découle de l’opposition à l’impérialisme : À bas l’UE et l’euro ! Pour les États-Unis soviétiques d’Europe, unis de leur plein gré !

Tous les réformistes brandissent des slogans du type « À bas la guerre ! » ; certains appellent aussi à des « négociations » et un cessez-le-feu. L’historien militaire Clausewitz disait que « la guerre est une simple continuation de la politique par d’autres moyens », c’est-à-dire la continuation de la politique des puissances belligérantes et de leurs classes dirigeantes. Comme nous le disions dans notre supplément, « aucun cessez-le-feu ni accord de paix entre bandits capitalistes ne résoudra les causes de la guerre. Tout accord de ce genre sera nécessairement dirigé contre les travailleurs de Russie et d’Ukraine et préparera le terrain pour le prochain conflit sanglant. »

Exemple particulièrement lamentable de cette confiance en la diplomatie impérialiste : le soutien du DKP aux accords de Minsk, présentés comme une alternative « pacifique » à la guerre, et ses lamentations sur leur violation. Les accords de Minsk reflétaient les aspirations de l’impérialisme allemand concernant l’Ukraine et la Russie. Ils avaient été négociés sous la direction de l’ancienne chancelière Angela Merkel et de son ministre social-démocrate des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier dans l’objectif de maintenir l’Ukraine dans la sphère d’influence des impérialismes allemand et américain. Soutenir la « paix » dans le cadre des accords de Minsk, c’est soutenir les buts du capital financier allemand.

« Désarmement »

Tous les groupes réformistes sont contre le réarmement de la Bundeswehr et demandent par exemple « des milliards pour la santé, l’éducation et le climat, pas pour la guerre ! » RIO (section de la Fraction trotskyste-Quatrième Internationale, FT-QI) exige aussi l’« Abolition de la Bundeswehr ! » Il est complètement utopique de demander aux impérialistes de se « désarmer » ou d’abolir leur armée ; comme toute classe dirigeante, les impérialistes allemands ont besoin de leur armée pour maintenir leur domination de classe et promouvoir leurs intérêts à l’intérieur et à l’extérieur du pays. Le mot d’ordre des réformistes « contre le réarmement » dans le cadre du capitalisme est réactionnaire aussi, parce qu’il dupe les ouvriers et les opprimés avec l’espoir d’une paix durable sous le capitalisme.

Comme les bolchéviks-léninistes l’expliquaient dans les années 1930 :

« N’ayant pas la moindre confiance dans les programmes capitalistes de désarmement ou de limitation des armements, le prolétariat révolutionnaire pose une seule question : dans quelles mains se trouvent les armes ? Toutes sortes d’armes qui se trouvent dans les mains des impérialistes sont identiquement dirigées contre les classes laborieuses, contre les faibles nations, contre le socialisme, contre l’humanité. Par contre, l’arme dans les mains du prolétariat et des nations opprimées est le seul moyen pour nettoyer notre planète de l’oppression et des guerres. »

– « Déclaration des bolchéviks-léninistes (Opposition de gauche de l’Internationale communiste) au Congrès mondial contre la guerre » (juillet 1932)

La campagne pour le désarmement est une campagne pour un autre budget de l’impérialisme allemand. Est-ce qu’on peut empêcher la guerre de cette façon ? Évidemment non. Les deux guerres mondiales n’ont pas éclaté à cause de la course aux armements entre puissances impérialistes mais à cause des contradictions insurmontables du système capitaliste. L’impérialisme n’est pas une politique réactionnaire d’armement et d’interventions militaires qu’on pourrait remplacer par une politique meilleure et plus progressiste (par exemple financer le système d’éducation) dans le cadre du capitalisme. Les impérialistes vont toujours ajuster leur budget militaire en fonction de leurs besoins respectifs. L’impérialisme est un système mondial où a été achevée la division du monde entre les monopoles et une poignée de puissances capitalistes comme les États-Unis, l’Allemagne et le Japon. Cela implique l’accroissement des rivalités interimpérialistes et la lutte incessante entre ces voleurs pour la redivision du monde, ce qui entraînera forcément de nouvelles guerres impérialistes, à moins que des révolutions ouvrières n’y mettent fin.

De même qu’un rééquilibrage du budget du gouvernement capitaliste ne peut assurer la paix, il ne peut pas non plus satisfaire les besoins de la classe ouvrière, que ce soit en matière d’éducation, de santé ou dans tout autre domaine. Bien sûr que les écoles et hôpitaux décrépits ont besoin d’investissements massifs ! Mais on ne peut pas y arriver par le programme réformiste de jongler avec les chiffres du budget des capitalistes.

« Mouvement de la paix »

Le DKP a remarqué que le mouvement pacifiste actuel mobilise ouvertement pour des livraisons d’armes à l’Ukraine… et il appelle en réponse à construire un mouvement sur le modèle de celui des années 1970-1980. Aujourd’hui comme hier, le programme des réformistes de construire un mouvement pour parvenir à la paix dans le cadre du capitalisme a fait complètement faillite et mène le prolétariat dans l’impasse. À l’initiative du chancelier SPD Helmut Schmidt, les impérialistes américains avaient décidé, fin 1979, d’installer des missiles nucléaires de moyenne portée en Europe de l’Ouest, pointés directement sur l’Union soviétique et la RDA. Nous sommes alors intervenus avec la ligne trotskyste : « Écrasez l’OTAN ! Défense de l’Union soviétique ! »

De nombreux jeunes et ouvriers s’inquiétaient alors, à juste titre, que les impérialistes ne déclenchent une guerre nucléaire. Mais le mouvement de la paix allemand, mené par les Verts, les Églises et certaines sections du SPD et leurs appendices réformistes, a canalisé ces craintes vers une politique de nationalisme antisoviétique et d’un rôle plus indépendant pour l’Allemagne de l’Ouest impérialiste. Ce programme bourgeois était clairement opposé aux armes nucléaires de l’Union soviétique, et c’était un programme pour la contre-révolution capitaliste. Parce que nous sommes révolutionnaires, nous étions et sommes toujours pour que les États où le capitalisme a été renversé disposent des meilleures armes possibles, y compris nucléaires, et cela même si le pouvoir politique y est entre les mains d’une bureaucratie stalinienne antirévolutionnaire. Nous étions pour la défense militaire inconditionnelle de l’Union soviétique et pour la révolution politique prolétarienne contre les staliniens. C’est encore notre programme pour la Chine et les autres États ouvriers déformés restants.

Wagenknecht et l’ensemble de la gauche réformiste résument ainsi l’une des principales « leçons du fascisme et de l’histoire allemande » pour la classe ouvrière : « Plus jamais la guerre ! » Ils veulent construire leur mouvement de la paix derrière ce slogan. Quelle escroquerie ! Aucune opposition pacifiste à la guerre n’a jamais rien accompli contre les guerres mondiales impérialistes. Pour le prolétariat, il y a bien une leçon fondamentale à tirer des deux guerres mondiales, et les bolchéviks insistaient dessus, tout comme les fondateurs du Parti communiste allemand Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht : le seul moyen de réaliser le slogan « plus jamais la guerre » est la révolution ouvrière contre la bourgeoisie allemande meurtrière.

« Troupes russes hors d’Ukraine ! » : slogan de l’OTAN

« L’alliance appelle le Président Poutine à arrêter cette guerre immédiatement, à retirer ses forces d’Ukraine sans conditions et à s’engager dans une solution diplomatique véritable. » De quelle alliance s’agit-il ? Peut-être de « l’alliance antiguerre » de RIO, d’autres pseudo-trotskystes et du MLPD maoïste ? Pas tout à fait – la citation vient en fait de l’OTAN (« Réponse de l’OTAN à l’invasion de l’Ukraine par la Russie », nato.int, 8 avril). Le slogan « Troupes russes hors d’Ukraine ! » reprend directement la revendication principale de l’OTAN. Dans le contexte de la guerre actuelle, cela signifie être pour la victoire du gouvernement ukrainien réactionnaire contre la Russie. Zelensky et son régime, ces larbins des impérialistes, non seulement servent à porter des coups de bélier contre la Russie sur le flanc oriental de l’OTAN, mais aussi ils piétinent les droits nationaux des minorités russe et russophone dans l’Est de l’Ukraine. La victoire du gouvernement ukrainien ne libérerait pas l’Ukraine, elle cimenterait davantage le joug impérialiste sur le pays au travers de son entrée dans l’UE et l’OTAN.

Pour couvrir leur ligne pro-impérialiste, ces « pacifistes bêlants » agitent toutes sortes de formules orthodoxes, en particulier le mot d’ordre de Karl Liebknecht « l’ennemi principal est dans notre propre pays ! » Pendant la Première Guerre mondiale, les révolutionnaires spartakistes Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht appelaient au renversement de l’impérialisme allemand par la classe ouvrière. Les pseudo-trotskystes ne sont certes pas les seuls à les dénaturer à des fins pacifistes, mais il faut un sacré culot pour répéter le slogan de Liebknecht tout en marchant sous la bannière de son propre impérialisme. Liebknecht ne lançait pas le cri de guerre « Jeder Schuss ein Russ ! » [« À chaque tir un Russe ! »], et il n’appelait pas non plus au retrait de l’armée russe. Il appelait la classe ouvrière allemande à pointer ses fusils en direction de la bourgeoisie allemande et non de l’armée russe.

« Ni Poutine ni OTAN ! » et « impérialisme russe »

Les différents groupes pseudo-trotskystes en Allemagne sont divisés sur le caractère de la Russie – si elle est impérialiste ou non. Cela ne les empêche en tout cas pas en pratique de travailler ensemble dans le camp impérialiste et derrière le cri de ralliement de l’OTAN. Ils ont un slogan avec lequel ils sont tous d’accord et sous lequel ils ont défilé à plusieurs reprises : « Ni Poutine ni OTAN ! » Encore une fois ce slogan est diamétralement opposé au programme de Liebknecht : l’ennemi principal de la classe ouvrière en Allemagne est l’impérialisme allemand, pas Poutine. Il place aussi sur le même plan l’OTAN, alliance dominée par les impérialistes, et la Russie capitaliste, une puissance régionale non impérialiste. Ce slogan n’est qu’une feuille de vigne pseudo anti-impérialiste pour camoufler le fait que les pseudo-trotskystes se rangent du côté du gouvernement ukrainien soutenu par l’OTAN.

Loin d’être un débat académique et historique, la question du caractère impérialiste ou non de la Russie a d’importantes implications programmatiques. Partant de son point de vue pro-impérialiste, Wolfram Klein, théoricien en chef des pseudo-trotskystes de Sol (CIO/Comité pour une Internationale ouvrière), est bien conscient de cela. Il pique une crise devant la position révolutionnaire de la LCI, selon laquelle : « Si l’OTAN ou l’une ou l’autre puissance impérialiste entrait directement dans cette guerre, les révolutionnaires auraient l’obligation de prendre le côté militaire de la Russie, pour la défaite des impérialistes, principal rempart de la réaction capitaliste au niveau international » (supplément à Spartacist, page 3).

Afin de justifier que la Russie est impérialiste, Klein répond : « En 1914, l’Allemagne dominait-elle le monde, ou bien était-elle une puissance régionale ? Y avait-il un seul pays qui dominait le monde en 1914 ? Dans cette logique la Première Guerre mondiale n’était pas une guerre impérialiste puisque c’était une guerre entre puissances régionales en lutte pour atteindre l’hégémonie globale (tandis que la Grande-Bretagne avait déjà perdu son hégémonie) » (Solidarität, « La guerre en Ukraine et la gauche », 9 avril 2022).

Le trait d’égalité que tire faussement Klein entre Poutine et le Kaiser allemand (et pourquoi pas Hitler carrément !) est tout simplement une justification de sa capitulation à l’impérialisme. Une guerre de l’OTAN contre une Russie économiquement arriérée et isolée politiquement et militairement ne serait pas une guerre inter-impérialiste pour la redivision du monde, contrairement à la Première Guerre mondiale, mais une campagne concertée des impérialistes pour transformer la Russie en champ de bataille nucléaire et la bombarder jusqu’à ce qu’elle retourne à l’âge de pierre. La Russie mènerait dans ce cas une guerre défensive justifiée contre les impérialistes. Pour cette raison, il serait dans l’intérêt de la classe ouvrière internationale de lutter pour la défaite des impérialistes. La guerre réactionnaire de la Russie contre l’Ukraine n’est pas non plus une guerre pour la redivision du monde, mais une guerre régionale limitée dans laquelle la Russie s’efforce de ramener l’Ukraine dans sa sphère d’influence et de l’opprimer en tant que nation, contre les efforts conjoints de tous les impérialistes pour maintenir l’Ukraine sous leur domination.

RIO et d’autres organisations refusent de caractériser la Russie comme impérialiste mais cela ne les empêche pas de défiler sous le cri de guerre de l’OTAN, côte à côte avec Sol, SAV, le MLPD et Cie, pour lesquels la Russie est impérialiste. À RIO et à tous les autres « anti-impérialistes » autoproclamés, nous posons la question : serez-vous pour la défaite de l’impérialisme et la défense militaire de la Russie dans l’éventualité d’une intervention militaire de l’OTAN contre la Russie ?

La « brigade Karl Marx » de RIO pour Zelensky

Faisant encore une tentative désespérée pour se donner une couverture « anti-impérialiste », la plupart des réformistes, comme RIO, s’opposent aux sanctions impérialistes contre la Russie capitaliste ainsi qu’à la livraison d’armes à l’Ukraine. Le Courant communiste révolutionnaire international (CCRI/RCIT) et les pablistes du « Secrétariat unifié » (en Allemagne, l’ISO), eux, sont pour les livraisons d’armes. Faisant écho au gouvernement SPD-Verts-FDP et à la position pro-OTAN de la direction de Die Linke, ces sociaux-chauvins conséquents mettent à nu la contradiction des pacifistes « critiques » dans l’orbite de Die Linke. Ils s’exclament : on ne peut pas faire campagne pour l’Ukraine, pour la défaite de la Russie, et s’opposer en même temps aux livraisons d’armes. En effet !

RIO parle de la nécessité d’« un programme indépendant contre l’invasion russe et contre l’intervention impérialiste de l’OTAN » pour donner l’impression qu’ils ne sont pas du même côté que les impérialistes et leurs larbins. La grandiloquence pseudo-léniniste de RIO et Cie, leur opposition aux livraisons d’armes, leur verbiage de « résistance populaire » et de « mobilisation indépendante » de la classe ouvrière ukrainienne contre la Russie : tout ceci ne sert qu’à couvrir leur soutien à la victoire du gouvernement ukrainien, appuyé par l’OTAN, contre la Russie. RIO refuse seulement de marcher sous le commandement direct de Zelensky, ce qui veut dire : la classe ouvrière forme sa propre « brigade Karl Marx » et tire sur l’armée russe, aux côtés de l’armée ukrainienne et des fascistes du bataillon Azov.

Nous sommes, à l’opposé, pour le défaitisme prolétarien révolutionnaire des deux côtés. La classe ouvrière ukrainienne doit lutter contre le gouvernement ukrainien, unie avec ses frères de classe en Russie, lesquels doivent prendre fait et cause pour le renversement révolutionnaire de la bourgeoisie russe. Les pseudo-trotskystes de RIO et Cie n’ont rien à offrir à la classe ouvrière de Russie et d’Ukraine, ni à celle d’Allemagne, à part la subordination à l’OTAN.

Les travailleurs doivent-ils soutenir la Russie ?

Certaines sections du DKP, ainsi qu’une minorité de l’Organisation communiste (une scission du DKP), prennent le côté de la Russie. Dans le contexte de la campagne antirusse et pro-OTAN – et contrairement à la gauche qui marche sous le cri de ralliement de l’OTAN « Troupes russes hors d’Ukraine ! » – cette position pourrait sembler anti-impérialiste. Ce n’est pas le cas. La seule manière de vaincre l’impérialisme une fois pour toutes, c’est par la révolution socialiste internationale. Au lieu de se battre pour gagner les ouvriers d’Allemagne, de Russie et d’Ukraine à ce programme, ces éléments démoralisés placent tous leurs espoirs dans l’armée de la bourgeoisie russe.

Une victoire russe ne ferait que perpétuer le cycle de réaction à travers toute la région. En revanche, une révolution ouvrière victorieuse en Ukraine ou en Russie porterait un coup sérieux aux impérialistes et inspirerait les travailleurs du monde entier à se débarrasser de leurs dirigeants capitalistes chez eux.

Un programme révolutionnaire contre l’impérialisme et la guerre

Tous ceux qui ne veulent pas se contenter de verbiage pseudo-orthodoxe dans le camp de leur propre impérialisme mais veulent vraiment se battre contre l’impérialisme doivent le faire sur la base d’un programme révolutionnaire pour la libération de la classe ouvrière. Le Spartakist-Arbeiterpartei Deutschlands, section de la Ligue communiste internationale (quatrième-internationaliste), lutte pour construire un mouvement antiguerre révolutionnaire sur la base suivante :

  • Chassez de la gauche les partisans de l’UE et de l’OTAN !
  • À bas tous les embargos et sanctions impérialistes contre la Russie ! Pour des actions ouvrières contre les envois d’armes au gouvernement ukrainien !
  • Travailleurs ukrainiens, russes : Fraternisez ! Retournez les fusils contre vos propres dirigeants !
  • Au lieu du pacifisme et du désarmement : Pas un homme, pas une femme, pas un sou pour l’armée impérialiste ! Désarmez la bourgeoisie, armez la classe ouvrière !
  • Pour le renversement de l’impérialisme allemand par la révolution ouvrière !
  • À bas l’UE et l’OTAN ! Pour les États-Unis soviétiques d’Europe, unis de leur plein gré !
  • Le droit international est le droit des impérialistes !
    À bas l’ONU, repaire de brigands impérialistes !
  • Pour la défense militaire inconditionnelle des États ouvriers déformés, Chine, Corée du Nord, Vietnam, Laos et Cuba, contre l’impérialisme et la contre-révolution ! Pour la révolution politique prolétarienne contre la bureaucratie stalinienne !
  • Rompez avec le SPD et Die Linke ! Pour un parti ouvrier révolutionnaire multiethnique qui lutte pour un gouvernement ouvrier ! Reforgeons la IVe Internationale, parti mondial de la révolution socialiste !