21 février – Le chômage de masse, les hôpitaux bondés et les traitements annulés, la détérioration générale des conditions de travail, l’inflation galopante, les droits démocratiques piétinés, les commerçants ruinés, les écoles fermées, les familles entassées ensemble jour et nuit, une détresse et des souffrances intolérables, la mort : Depuis maintenant deux ans, les travailleurs et les opprimés subissent les conséquences dévastatrices de la réponse de la bourgeoisie à la pandémie et de ses confinements. C’est dans ce contexte que le convoi des camionneurs à Ottawa est venu canaliser le mécontentement largement répandu dans la société.

La bourgeoisie et tous ceux qui lui font écho dans les médias, le Nouveau Parti démocratique et la gauche réformiste ont été pris immédiatement d’une fureur hystérique devant cette première brèche significative dans la campagne d’« unité nationale » de la classe dirigeante dans la pandémie. Leur déferlement de propagande présentant tous ceux qui participent à des manifestations antigouvernementales comme des « extrémistes de droite » n’est qu’un mensonge pour justifier leur répression. Ce n’est pas « le racisme », « un programme d’extrême droite » ou (aux dires de libéraux tordus) un « coup d’État financé par les États-Unis » qui pousse des milliers de personnes à sortir protester dans les grandes villes, mais la colère totalement légitime contre le désastre social provoqué par les mesures sanitaires de la bourgeoisie.

Le premier ministre Justin Trudeau a décrété la Loi sur les mesures d’urgence, la Loi sur les mesures de guerre revampée, avec laquelle le gouvernement se donne des pouvoirs arbitraires pour accroître la répression, suspendre les droits démocratiques, geler les comptes de banque et étendre les pouvoirs de police utilisés pour réprimer les camionneurs et les manifestants. Près de 200 personnes ont déjà été arrêtées en vertu de cette loi. Nous disons : Défense des camionneurs ! Levée de toutes les accusations ! À bas la Loi sur les mesures d’urgence !

Il faut rompre avec les dirigeants ouvriers traîtres !
Pour un parti ouvrier révolutionnaire !

Il est révoltant que les voix les plus stridentes dans cette campagne hystérique, exigeant davantage de répression de l’État contre les camionneurs et les manifestants, soient celles du NPD et de ses laquais de gauche pseudo-socialistes comme La Riposte, la Ligue pour l’Action socialiste et le Parti communiste du Canada. La Riposte (entre autres) a même servi de troupes de choc au gouvernement, mobilisant des contre-manifestations dans plusieurs villes contre les camionneurs !

Ce n’est pas une surprise. Pendant toute la pandémie, le NPD et les chefs syndicaux du Congrès du travail du Canada et d’Unifor, ainsi que ceux des centrales syndicales du Québec, ont tous soutenu les confinements. Les confinements sont la réponse réactionnaire de la classe dirigeante capitaliste qui, face à la crise de la COVID-19, cherche à éviter au plus bas coût possible l’effondrement total de ses systèmes de santé délabrés. Les chefs syndicaux ont offert leur « pleine collaboration » aux patrons et à leur État, ils ont fait la promotion de l’« unité nationale » avec les patrons et ont fait avaler les confinements à leurs membres. Le NPD fédéral soutient sans relâche le gouvernement minoritaire de Trudeau ; et le gouvernement NPD de Colombie-Britannique a carrément administré l’imposition des confinements ! Les pseudo-socialistes de La Riposte, pour leur part, n’ont pas seulement soutenu les confinements ; ils ont milité pour qu’ils soient encore plus drastiques !

Tous ces traîtres à la classe ouvrière ont prétendu qu’il fallait soutenir les confinements de la bourgeoisie afin de « sauver des vies », qu’il existe une espèce de concept « universel » et transclasse de la santé publique auquel nous sommes tous redevables, et qu’il faut faire preuve de « solidarité » (avec les patrons) pour « combattre la pandémie » et « se protéger les uns les autres » – en d’autres termes, que les travailleurs doivent accepter de suspendre leurs luttes et de se faire fourrer.

Non ! Les intérêts du prolétariat et ceux de la bourgeoisie sont en tout temps irréconciliables, pandémie ou pas. La réponse immédiate du mouvement ouvrier à la crise de la COVID-19 aurait dû être : Il faut lutter pour plus de soins de santé, plus d’éducation, plus de logements, plus d’infrastructures ; il faut lutter pour des lieux de travail que nous considérons sécuritaires et non pas rester enfermés chez nous, seuls et désarmés. Réunions syndicales en personne, manifestations, grèves : c’est comme ça qu’on mène la lutte de classe dans le monde réel (pas sur Zoom). C’est la seule manière pour la classe ouvrière de défendre sa santé et sa sécurité et d’affronter ce qui alimente cette crise, le système capitaliste. Mais c’est précisément ces moyens de lutte de classe que les confinements visent à empêcher : les confinements affaiblissent en tous points la capacité de lutte de la classe ouvrière. S’y opposer est une condition préalable pour que le mouvement ouvrier puisse affronter cette crise à partir de ses intérêts. À bas les confinements !

Des systèmes de santé misérables aux logements et services publics complètement décrépits, la pandémie montre à tous que le soi-disant « État-providence canadien » n’est que supercherie. Production pour le profit, anarchie du marché, concurrence et domination impérialiste internationale, exploitation de la main-d’œuvre au moindre coût possible, attaques d’austérité en santé, en éducation et dans les services sociaux : c’est la nature même de la domination de classe capitaliste qui alimente la crise sanitaire et sociale. La pandémie fait ressortir d’autant plus clairement que, ne serait-ce que pour commencer à répondre à ces besoins humains de base, les travailleurs doivent prendre le contrôle de la société et l’organiser dans le cadre d’une économie socialiste centralisée et rationnellement planifiée.

À chaque étape, les intérêts vitaux des travailleurs et des masses se heurtent aux capitalistes et leur propriété privée des usines, des mines et des banques, à leur mainmise globale sur les forces productives de la société, un pouvoir qu’ils protègent avec toute la force de leur État – composé centralement de l’armée, de la police, des tribunaux et des prisons. La bourgeoisie ne va pas renoncer paisiblement à ses intérêts fondamentaux, ni accepter de céder son pouvoir : le capitalisme ne peut pas être réformé. La classe ouvrière ne peut pas mettre la main sur cette machinerie de l’État (par des élections par exemple) afin de satisfaire ses intérêts – elle a besoin de son propre État, un État ouvrier, pour affronter la résistance de la bourgeoisie et faire respecter sa propre domination de classe.

La situation réclame de façon urgente une opposition communiste au gouvernement. Cela veut dire rompre avec les directions réformistes traîtresses actuelles et construire un nouveau parti, un parti révolutionnaire pouvant diriger la classe ouvrière jusqu’à la victoire dans sa lutte pour le pouvoir. La Ligue ­trotskyste et ses camarades ailleurs dans le monde sont les seuls dans la gauche aujourd’hui qui avancent une telle perspective révolutionnaire dans la pandémie. Reforgeons la IVe Internationale, le parti mondial de la révolution socialiste !

Pour un programme révolutionnaire dans la pandémie !

Bien que la colère des camionneurs et des manifestants contre le gouvernement soit totalement légitime, les slogans « Liberté » et « Fuck Trudeau » ainsi que la défense des « valeurs canadiennes », qui dominent ces manifestations, n’offrent aucune voie à la classe ouvrière et conduisent directement à soutenir une autre aile de cette même bourgeoisie canadienne oppressive. Que la colère à la base de la société n’ait trouvé que des expressions informes et non prolétariennes est le résultat direct de la trahison des dirigeants ouvriers dans la pandémie. Leur politique a eu pour effet catastrophique de renforcer l’emprise de la bourgeoisie sur les travailleurs, ralliant ceux-ci derrière Trudeau, et laissant des forces de droite se présenter comme les seuls opposants aux mesures du gouvernement.

En l’absence d’un pôle ouvrier clair pendant la pandémie, la vaccination et les obligations vaccinales sont devenues des enjeux sociaux majeurs, et les manifestations des camionneurs ont polarisé la société surtout sur cette question. Soit on soutient tout ce que fait le gouvernement du moment qu’il le fait sous prétexte d’augmenter la couverture vaccinale, soit on s’oppose à tout empiètement sur les libertés civiles, à toute forme de vaccination obligatoire et parfois aux vaccins eux-mêmes. En tant que communistes, nous rejetons les deux côtés de ce débat. Le principe qui nous guide, ce sont les intérêts de la classe ouvrière. Il est dans l’intérêt de la classe ouvrière que tout le monde sur terre soit vacciné contre la COVID-19. Nous sommes pour la vaccination obligatoire, c’est-à-dire forcer les gens à se faire piquer le bras. Refuser de se faire vacciner et propager le virus n’est pas un droit démocratique. Mais nous nous opposons à ce que la vaccination soit imposée par des mesures qui attaquent la classe ouvrière au nom de la vaccination. Nous sommes opposés à l’imposition par Trudeau de l’obligation vaccinale pour les camionneurs, qui condamnerait les camionneurs non vaccinés à perdre leur gagne-pain, de même que nous nous opposons à des mesures similaires contre les infirmières et autres travailleurs. Les mises à pied massives sont une attaque contre la classe ouvrière et les syndicats ; nous nous y opposons quelle qu’en soit la raison. Nous sommes aussi opposés au passeport vaccinal qui enregistre tous les mouvements de la population et transforme tout employé de bar ou commerçant en auxiliaire des flics. Nous tranchons contre toute polarisation bourgeoise dans la société en avançant un programme révolutionnaire de lutte classe contre classe, partant des besoins immédiats des travailleurs et faisant le lien avec la nécessité du pouvoir prolétarien pour les satisfaire.

Faire face à la situation actuelle exige immédiatement un programme massif de travaux publics pour construire de nouveaux hôpitaux et des infrastructures en santé, de nouvelles écoles et des logements de qualité, spacieux et abordables. Saisir toutes les terres de la Couronne d’un océan à l’autre, ainsi que les meilleures tours à bureaux de Bay Street et des centres-villes de Vancouver et Montréal est un bon point de départ. Il faut aussi une campagne massive d’embauche et de formation sous contrôle syndical, pour renforcer les services publics actuellement décrépits et développer de nouveaux programmes sociaux. Une façon réaliste de le faire : exproprier les banquiers et les industriels ! Les petits commerçants, les bars et les restaurants ainsi que les étudiants croulent sous les dettes. Annulation de toutes leurs dettes !

Toutes ces revendications sont totalement contraires aux inepties de la gauche réformiste de « mettre le NPD au pouvoir avec un programme socialiste » et à leurs plans pour « taxer les riches » afin d’obtenir quelques miettes de plus, ou à leur soutien à Québec ­solidaire, un parti carrément bourgeois. Tout parti prenant le pouvoir au parlement de Sa Majesté administre un gouvernement bourgeois qui défendra les capitalistes et attaquera la classe ouvrière. Il nous faut un gouvernement ouvrier, basé sur des conseils ouvriers !

Contre les attaques massives sur les conditions de travail et le coût de la vie croissant, il faut de toute urgence que les syndicats luttent pour syndiquer les non-syndiqués et pour une augmentation générale et majeure des salaires, indexée à l’inflation ! Contre le surmenage des uns et le chômage des autres, les syndicats doivent lutter pour une semaine de 30 heures payées comme 40 pour répartir le travail entre toutes les mains. Contre les divisions raciales entretenues par les patrons, les syndicats doivent lutter pour les pleins droits de citoyenneté pour tous les immigrants afin d’unifier la classe ouvrière dans la lutte contre le pouvoir de la classe capitaliste.

Tout cela est contraire au programme des réformistes qui consiste à faire pression sur les bureaucraties syndicales actuelles. Le problème fondamental du mouvement ouvrier n’est pas son manque de combativité, mais le programme pro­capitaliste des directions syndicales qui cherchent seulement à renégocier les termes de l’exploitation ouvrière sous la dictature de la bourgeoisie. Aucune pression ne les fera renoncer à leur programme illusoire de « concertation » entre le capital et le travail. Ils doivent partir ! Ce qu’il nous faut, c’est une nouvelle direction, une direction révolutionnaire pouvant arrimer les luttes immédiates pour les besoins les plus élémentaires des travailleurs à la nécessité qu’ils prennent contrôle de la société, c’est-à-dire la seule manière de satisfaire leurs besoins.

En opposition au programme des dirigeants ouvriers traîtres de renvoyer tout le monde à la maison, de fermer plus d’usines et d’écoles et de faire appliquer des mesures sanitaires anti-COVID toujours plus strictes sous l’égide des agences de santé des patrons, il faut lutter sans attendre pour le contrôle syndical de la santé et de la sécurité au travail ! Il est suicidaire de s’appuyer sur les agences de l’État capitaliste comme le WSIB et la CNESST pour « protéger » les travailleurs ! Ce sont les syndicats, pas l’État capitaliste, qui doivent déterminer quelles conditions sont sécuritaires pour travailler. Tant que les patrons sont aux commandes, les profits passeront toujours avant la santé et la sécurité. L’État capitaliste est le bras armé des patrons : il est là pour imposer l’exploitation de la classe ouvrière, pas pour assurer des conditions de travail sécuritaires ! Quiconque pense que les patrons et leur État sont là pour défendre la santé n’est pas un socialiste mais un crétin.

Les « vraies valeurs canadiennes » – si tant et si bien qu’une telle chose existe – ce ne sont certainement pas la « liberté » et la « démocratie », mais l’oppression nationale anglo-chauvine du Québec et l’allégeance à la monarchie britannique, qui sont aux fondements de l’État capitaliste canadien – ce même État qui s’abat maintenant sur les camionneurs. Et ce sont les mêmes pouvoirs d’État répressifs, émanant de la Loi sur les mesures de guerre utilisée par Pierre Elliott Trudeau contre les indépendantistes québécois en octobre 1970, qui sont aujourd’hui utilisés par son rejeton. Cela montre clairement que les travailleurs au Canada anglais et au Québec ont un ennemi commun : la classe dirigeante canadienne. De leur côté, le NPD, La Riposte et le reste de la gauche réformiste canadienne sont tout aussi unis dans leur opposition aux droits nationaux du Québec qu’ils le sont derrière l’attaque de Trudeau contre les camionneurs. Nous disons : Pour l’indépendance immédiate du Québec !

Il est crucial de mettre de l’avant la lutte pour la libération nationale du Québec sur une base révolutionnaire pour à la fois faire rompre les travailleurs du Canada anglais avec leurs directions anglo-chauvines, et faire rompre ceux du Québec avec leur direction nationaliste bourgeoise. Les travailleurs du Canada anglais ont un intérêt vital à prendre fait et cause pour cette lutte et en faire un levier pour chasser du pouvoir la bourgeoisie et établir le pouvoir de la classe ouvrière. Il ne fait aucun doute que de briser le joug de la domination du Canada anglais sur le Québec serait progressiste, même sous le capitalisme. Et au Québec, la séparation ne pourrait que rendre plus clair pour la classe ouvrière que la bourgeoisie nationaliste est son ennemie jurée. La bourgeoisie québécoise l’a maintes fois fait comprendre : elle luttera pour l’indépendance seulement dans la mesure où elle veut être mieux placée pour exploiter sa propre classe ouvrière. Les travailleurs au Québec ne seront pas libres dans un Québec capitaliste indépendant, il leur faut une république ouvrière du Québec !

La pandémie a montré à nouveau que les directions actuelles de la classe ouvrière au Québec et au Canada sont totalement prostrées devant leur propre bourgeoisie respective. Du NPD aux chefs syndicaux, c’est leur programme qui consiste à maintenir le capitalisme qui les conduit forcément à trahir la classe ouvrière. Rompez avec le NPD, rompez avec les partis nationalistes bourgeois au Québec ! Pour un parti ouvrier révolutionnaire binational !